1. |
La nuit décélère
07:09
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La nuit les escaliers mécaniques dorment
Loin des ormes ornés comme des sapins
Ils se cabrent à minuit et arrêtent leur déroulement de Sisyphe
Une patte en l’air jusqu’au lendemain
Enveloppés dans la lumière légère des diodes qui chuchotent
Ils rêvent
La nuit les rames de métro restent à quai
Et le silence règne sous terre jusqu’au premier vrombissement
Sauf sous les monceaux de couvertures sales et bariolées
Soulevées régulièrement par le souffle des corps invisibles
Et prolongeant les fresques carrelées qui éclatent de froid
La nuit le sang cesse de couler
Dans les artères de la ville la nuit
Que j’ai traversée de part en part me remue en journée
Ma tête inclinée sous le fardeau du sommeil
Ma tête comme la pointe d’une épée qui ruisselle
Signe de la basse besogne achevée
La veillée a marqué mon visage
Et mit de l’écarlate dans les yeux
Les plus petits vaisseaux ont cédé
Brisés de fatigue
J’ai pris la relève de mon propre tour de garde
Bientôt la nuit me bercera
Et son manteau veillera mon silence
J’éprouve comme une sorte de liberté coupable
D’aller contre le rythme commun
Des hommes de mon temps
La nuit décélère et dégénère en oubli
Vj
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2. |
Obscurantine
02:00
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Le souffle manquant
Les diables souffrent en progressant
Dans les galeries obscurantines
Où ne brille que leur front
Le dédale des entrailles du mont
Avale avant l’aube andine
Ceux qui abattent le minerai
La poitrine et le visage défaits
Au dehors c’est le sourire édenté
D’un vieillard de quarante ans
Qui parle seul et suffisamment
De la mort lente accélérée
Car les diables pour jouir du froid
Au revers des lunes souterraines
Inhalent sur le chemin de croix
La fine poussière péruvienne
Et quittent mourants la galaxie
De Compostelle pour les damnés
Où Perséphone ne les gracie
Que le temps d’y retourner
La soif d’oxygène aux enfers
S’épanche dans la feuille de coca
Elle est le souffle nécessaire
Aux diables de là bas
Elle est la barque salutaire
Des vieux sur le grabat
Elle est le vaste sanctuaire
Des descentes au sabbat
Elle est la source d’espérance
Des hommes qui dans les mines
Font danser les nymphes obscurantines
Vj
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3. |
La minute de silence
03:34
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Compatis
Compatis
Compatis
Et nous compacterons nos compassions
À cinq heures une minute tous ensemble
Nous nous regarderons comme des cons
Compatis
Compatis
Compatis
Pense aux cent cinquante deux âmes
Parties
Parties
Parties
Ramper sous les débris de l’avion
Compatis
Compatis
Compatis
Prie pour qu’on mette un nom
Sur ces lambeaux de chair en désordre
Sur ces vilaines dentitions
Compatis
Compatis
Compatis
Et fais chuter le cours des compagnies
Qu’elles pâtissent bien des dégâts
Et paient le prix des passagers rôtis
Silence on identifie les corps
On déleste le fardeau
Quand les gènes parleront
On desserrera l’étau
Qui tient le cœur des familles meurtries
Plus françaises que jamais
Au centre même de Paris
Nous sommes tous antillais
Ces familles on les filme
Et on les fait parler
On leur parle
On leur installe une cellule psychologique
Le deuil !
Voilà ce qu’elles entament
C’est parait-il un travail
Un travail bien long
Un travail qui ne paie pas
Et qui vous occupe toute une vie
C’est à les entendre dire un bien mauvais investissement
Pas de contrepartie
À part une célébrité macabre
Trois plans de larmes à la télévision
Pour cette dernière, faites pâle figure
Faites le jeûne de la blague
La grève de la poignée de main
Une défaite de sourires
Une mine de drapeau en berne
Auscultez vous le dedans
Recueillez vous
Montrez comme l’entreprise s’unit
Comme elle s’unit en silence
Comme elle s’unit une minute
Et qu’elle oublie les profits
La minute est finie
Bouffi le pays sort
De sa courte léthargie
Mais combien de fois vous le dirai-je ?
Pas besoin du grégaire
Pas de bras étrangers à la tragédie
Qu’on est besoin de serrer
Les ondes qui pleurent m’énervent
Gardez vos hommages répugnants
Gardez vos enfants loin de ces cérémonies
Je suis comme eux
Seul
Je pense mille fois plus aux morts qu’en votre compagnie
Vj
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4. |
Parenthèse
04:40
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Loin des autres
Ivres et le cul par terre
Dans du social à deux
Et dans la force de l’âge
Et dans sa terrible singularité
Nos deux corps engourdis
Traversés par le sang des rois
Ont parfaitement veillé
Jusqu’au petit jour étranger
Saupoudré de bosquets cibles
Et l’aube comme une Artémis
Et l’aube qui n’en finit pas de faire la discrète
De jouer les prolongations
La chrysalide est un passage
Hérissement du poil à quatre mains
Comme un courant d’air
Comme un souvenir anodin
Comme le souvenir anodin d’un courant d’air
Et coq au loin
Et mauvais vin dans nos verres
Un fond
Et on le boit dans un fou rire
Et plantés là dans l’usine à Colza
Premier regard sur le monde
Et premier flash
Et rien pour écrire
Comme une poignée réticente
De l’éphémère et c’est tout
On nous extrait de la nuit
Ca y’est
La topographie des lieux tousse
Et nous soulève
Et nous dérange
Et dernier spectacle messieurs
Et ça y’est
Mille rubans partent s’amenuiser dans les quatre directions
Plus que quelques mètres maintenant
Et ça y’est
Nous sommes touchés
Nous nous remettons en marche en nous blindant l’ego
Et nous savons
En nous dirigeant vers la maison bicentenaire
Que nos vies reprendront à l’exact endroit où nous les avons laissées la veille
Vj
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5. |
J'ai mal à mon père
03:05
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6. |
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Entrons
Entrons
Précipitons nous à l’intérieur du wagon
Celui-là ne me convient pas celui-ci non plus
Pas de place attrayante me voici remontant jusqu’au bout de la chaîne
Derrière la locomotive
Là où tout tremble
Là où le bruit rien que le bruit ne laisse plus rien entendre
On ouvre les sas à la file indienne
Chacun de ces sas est une voie de communication
Un lieu noir, agité, habité par le vacarme assourdissant de la fuite sur les rails
Enfin installé près de la fenêtre, je fatigue mes yeux en effectuant d’incessants allez retours
J’essaie d’aller plus vite que la vitesse qui nous jette
Il y a tant de choses à embrasser du regard
D’autres fois ces paysages bien connus m’ennuient
Je me détourne de leur danse
Mais tout ce flux de choses en ligne droite
Un puissant travelling de gauche à droite nous fascine
Le dehors est aussi le moyen de ne pas se faire remarquer des gens du dedans
Je m’amuse de ne pas être de ceux qui ne supportent le voyage qu’assis dans le sens de la marche
Je me dis qu’en cas d’accident ce seront eux qui seront projetés
La décélération brutale me clouera sur le fauteuil et peut-être que le voisin de devant embrassera mon nez
Je vois défiler le temps et les baraques grises du centre de la France
Je pense à ma vie qui défile depuis mon enfance
Je vois défiler les trains
J’entraperçois des mains, des annulaires sans alliance
Des collants de laine qu’enserrent les jambes du mois de novembre
Le brouillard est partout et réduit la profondeur du monde
J’imagine au-delà tous les climats possibles
Des étrangers convulsifs comme moi agités par les mêmes pulsions
Celles qui justifient nos pudeurs
De là où je vous parle, défilent des plongées sur les jardins minuscules et ce doit être bien beau que de voir son thé frémir au passage des convois
De là où je vous écris je ne vois que des rails
Comme de longs cheveux noirs sur lesquels nous glissons presque naturellement
Des grues discutent avec des flamands unijambistes
Et c’est l’occasion pour les arbres de se tordre de rire
Ils éternuent des feuilles et confectionnent des tapis sans respecter les clôtures et les chaussées
Le vent se charge d’accentuer le désordre
Enfin, il suffit d’un long mur pâle qui n’en finit pas de se cloner pour se réjouir de voir à sa surface les traces picturales de la nuit
De grandes lettres mariées les unes aux autres et hautes en couleurs se succèdent
Typographie bariolée fonce comme une pellicule dans l’appareil de projection
Un film de plusieurs centaines de mètres est lancé
Joie vive triste révolte anonyme
La mobilité aujourd’hui ?
C’est la ville, la campagne et la ville à nouveau
Le tout en moins d’une heure de trajet
Vj
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7. |
Soit dit en passant
03:57
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- J’emmerde le public
Mais attention je vends
Je célèbre mon public
Hé ! Tu m’entends ?
Je mens comme une république
Je mens à beaucoup de gens
Je me fous de l’Afrique
L’Afrique c’est chiant
"Je" est un autre
- Du mythe, du mythe, du mythe, du mythe, du mythe
- "Je" c’est les autres !
- Panique ! Panique ! Panique ! Panique ! Panique !
- Je doute de ma santé psychique
- C'est bien, enfin, sûrement....
- Me considérant, je m’imite
- Hum… intéressant…
Vj
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8. |
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Un père assis préserve son enfant de ses rêves légitimes
Ceux d'une projection dans un corps d'adulte
Sans aucune limite vraiment
Un corps futur calqué sur une future ombre qui se conforte
C’est le pari innocent d’une personnalité en marche
Le père dit à sa graine que ses rêves sont légitimes
Et la graine s’invente des rêves
Et des nouveaux
Et des nouveaux
Elle pousse dans tous les sens
Pour agripper des pommes
Goûter la moutarde
Elle s’étend
Elle s’étend
Bientôt la graine commence à se douter que certains métiers se jouent d’elle
Qu’ils fuient sans le dire
En nous laissant supposer qu’on fera tous les métiers
Que eux ne sont pas partis
Mais qu’ils n’ont jamais vraiment existé pour elle
La graine l’enfant les rêves persistent
Et des métiers affirment qu’ils les feront tous
À puits-pierre-feuille-ciseau on s’accorde maintenant à se désengager à l’avenir du vol professionnel de rubis
Mais à part lui on les fera tous
J’aurai le choix
Tu auras le choix
Nous aurons le choix
Papa assure à sa graine que les astronautes ont eu le choix
Et aujourd’hui ils rient au hublot de leur station
Dans l’esprit de son enfant la station dérive lentement
Son timonier est le Chaos
Les embrassades à la santé des aventures se multiplient là dedans
Chacun parle de son propre chemin de croix
Celui qui tend vers une esplanade
Un autel de marbre blanc sur lequel la réalisation d’un rêve se métamorphose en vocation
Confidences pour confidences
On boit des petites planètes vertes à la santé de Peter Pan
Et entre éclats de rire et sourires aux filles
Les uns après les autres ont fait nos adieux à la terre bleue des parents
Ingrats et innocents
Ainsi perlent des moments bénis
Et des heures plus longues que les sommeils du soleil s’étirent
Et s’étirent
Encore
Jusqu’à la nuit
Un point caché ou une union amoureuse
C’est la face cachée d’un astéroïde qui fait une couverture de néant à la station
Une couverture noire de vide
Il perle des moments bénis
Au hublot les legos de M.I.R s’enfuient
Comme autant de vêtements où s’emmitoufle un vaisseau
Pour renforcer la coque certains sortent dehors
Ces marins du vide qui donnent vie au vaisseau sidéral dont la gigantesque station accouche
Naturellement
Sans effort
En semant dans son sillage les eaux
Les débris de sa carapace
Les flottements de la vie en bas âge commencent
Quelques cris
L’enfant dort
Le père se tait et ferme son conte
Il se tait
Se lève et ferme la porte
Qui mime les murs
Ecoute et réfléchit
Elle tombe dans des abîmes
Pour écrire se mutile
Et anticipe la chute du rêve de l’enfant pendant laquelle la pesanteur n’est plus
Là
Quelques zémophiles spationautes s’ébahissent de crever loin
Vj
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9. |
Il était une fois
02:56
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Il était une fois
Un roi
Qui dans sa robe de soie
Observait les tracteurs de fer
Se renverser en arrière
Il avait le choix
Le roi
De ne pas regarder ça
De son toit
Où en tous cas pas de si bon matin
Puisqu’il ne travaillait pas
Il gouvernait
Mais ce roi blanc
D’antan jadis etc.
S’obstinait à ne pas manquer le début du spectacle
En tout cas pas
Et ce en aucun cas
Le premier tracteur qui tomberait à la renverse
Là bas loin dans les champs
Aux limites de son petit royaume
Les crans des pneus au branle bas de combat
À l’aube sans qu’il ne les voient
Il ne supportait pas
Le roi
En aucun cas
Louper le premier faux pas
Ah ça
Quand ça se produisait
Ca le mettait dans une colère royale
Qui vidait les salles de bals
Un tsunami dans le canal
Ah ça
Quand il est tout rouge votre roi blanc
Vous cherchez pas à faire les finauds
Vous ne rendez pas hommage à son cul
Ni a son bidet ni a son PQ
Vous filez droit dans vos terres
Fermant les verrous derrière vous
Trop peur
Pire encore était la situation des paysans du roi
Le malheureux qui était le plus à plaindre
Était celui qui avait démarrer et renverser son tracteur le premier
Ah malheureux
Voilà ce que te coûte ton inconscience
Tu vas rôtir à feu doux
Puis à feu fort
Puis à l’étuvée
Puis on te farcira les oreilles
Avant de te repasser à la broche
Et tu finiras sous cloche
Pour le juge d’instruction
Qui s’intéressera à toi
En vue de ton procès contradictoire
Ah pauvre malheureux
Que le roi te rattrape
Et tu seras le roi des médias
Le gredin qu’on voudrait pas croiser
Grillé et brûlant comme le diable
Quel traitement
Le roi confisquera ton tracteur
Qu’il installera de ses mains au sommet
De sa tour de tracteurs
Si la tour de tracteurs dépasse celle du donjon
En hauteur pas en largeur
Ni en volume
Ni en masse atomique
Le roi abdique
Et part garder des biquettes
Au pays des bergers
Notre roi déteste voir croître la tour
Mais il n’y peux rien il a signé
Quand la tour est plus haute
Il part
Et sans forcement laisser l’adresse
Ni le numéro de téléphone portable
Du mouton qui va l’héberger
C’est pourquoi le roi
Touche du bois
Pour pas
Surtout pas
Jamais de son vivant
Avoir à rendre des comptes
Sur les chaussettes américaines
Qu’il a dérobées à Denver
Mais toute cette sombre affaire
Est pleine d’ombres portées
A peine inquiétées
Tout ça mon roi
Tu ne le cacheras pas longtemps
Il était une fois
Du temps où on ne le comptait pas le temps
La Loi
Vj
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10. |
Portes
03:20
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11. |
Néo Tokyo
04:30
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Taisez-vous !
Les morts parlent…
Ils discutent de leurs accidents respectifs
Ils se plaignent tous du lieu commun de leur grand saut
Trop froid !
Ils aimeraient reprogrammer leur crépuscule d’êtres vivants dans un autre paysage que celui dans lequel ils sont à présent
Ils discutent au carrefour Néo Tokyo
Où les lumières bleues et la tôle froissée sont dérangeantes
Le carrefour reste entier
Plein comme un œuf de morts qui réclament la parole et d’autres plus âgés le silence
Silence !
Le carrefour est une esplanade
Les anges s’y rendent à l’aide d’échelles ralliant la lune
Et fixées aux quatre puissants réverbères
Néo Tokyo est là tout entier
L’endroit de passage où le réel sombre dans la fiction
Toutes les frénésies vertigineuses de Néo Tokyo envahissent l’esprit de celui qui passe la nuit au carrefour
Et qui se tait pour les morts !
On ne les déconcentre pas en chantant au carrefour
On ne les déconcentre pas en chantant au carrefour
On se tait
Et on accélère…
Vj
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